Financement des partis politiques: Qui finance Ennahdha?
● Plusieurs Tunisiens, scandent le slogan "Je suis musulman, et Ennahdha ne me représente pas"
● Plusieurs interrogations sont donc soulevées autour du financement du parti Ennahdha et son leader Rached Ghannouchi.
Le parti Ennahdha s'est imposé fortement, ces derniers jours, sur la scène politique, comme il l'était lors des élections de 1989. Il a multiplié les meetings, les rencontres, les apparitions médiatiques, et les ouvertures de bureaux. Un grand mouvement d'opposition contre ce parti, qui semble être aujourd'hui le mieux préparé, et structuré de la soixantaine de partis qui existent aujourd'hui. Plusieurs Tunisiens, scandent le slogan "Je suis musulman, et Ennahdha ne me représente pas". Des campagnes très actives sur le réseau social Facebook sont orchestrées contre le parti et son leader Rached Ghannouchi. Loin d'entrer dans des analyses politiques et le positionnement d'Ennahdha sur l'échiquier, il est important de se poser des questions sur le financement de ce parti, ainsi que les autres partis politiques. En effet, Ennahdha mène un train de vie de parti riche et bien financé. Comment a-t-il pu collecter ces fonds, alors qu'il vient juste d'obtenir son autorisation? Le flou est total sur les sources de financement d'Ennahdha, ce qui rend la question encore plus pressante.
Un train de vie Rcdiste
Depuis quelques semaines, Ennahdha semble parti dans une campagne électorale avant l'heure. On multiplie les meetings et les rencontres avec les partisans qui se comptent en milliers. De Gafsa à Sidi Bouzid, à Kebilli, à Sfax, à Kelibia, à Hammamet,…et la liste est longue. Ces meetings coûtent énormément d'argent. Rien qu'à Sfax, Ennahdha a dû débourser 17 mille dinars pour la location de l'amphithéâtre. Une prestigieuse salle à Hammamet, et la location de plusieurs salles là ou il se déplace. Des bus touristiques ont été loués pour acheminer les partisans des autres régions et délégations. Un important service d'ordre est déployé à chaque manifestation. Rached Ghannouchi se déplace même avec des gardes corps, qui nous rappellent ceux d'Ismail Hania de Hamas, ou Khaled Mechael en Syrie. Lors de chaque manifestation, Ennahdha distribue des tracts, des gadgets (casquettes, tricots, banderoles,….). Tout ce dispositif coûte certainement beaucoup d'argent. Il est chiffré à près de 200.000 dinars (estimation selon les révélations de témoins).
Ennahdha est très actif au niveau de l'ouverture des bureaux régionaux. A ce niveau, plusieurs bureaux sont ouverts à Béja, Sidi Bouzid, Sfax,…. alors que d'autres partis, qui ont obtenu leur autorisation, le même jour qu'Ennahdha, n'ont pas un siège central, et trouvent du mal à louer un S+2.
Ennahdha a été aussi le premier parti à relancer son journal «El Fajr». Une édition que dirige Rached Ghannouchi, en personne, et vendue 600 millime, le numéro. Le journal ne bénéficie d'aucune insertion publicitaire, ce qui pose des questions sur le financement du retour de ce journal, qui a été banni sous le régime du fuyard Ben Ali. Assurer la publication d'un journal, d'une manière permanente, sans requérir à un financement important ou des insertions publicitaires n'est pas chose aisée, et nous savons de quoi nous parlons.
Sur le réseau social Facebook, on retrouve Ennahdha comme un lien commercial. Pour avoir cette position, Ennahdha devrait payer à Facebook 10 centimes par click, soit un montant évalué par certains, entre 10.000 et 20.000 euros. D’où vient cet argent et comment est-il payé?
Selon certains observateurs, plusieurs membres du parti Ennahdha ont mené des caravanes de solidarité vers des zones défavorisées à l'intérieur du pays. C'est une initiative très louable, et dénote d'un sentiment de patriotisme et de générosité, que notre Islam nous incite à adopter. Ces caravanes d'aides viennent généralement avec des bus, des voitures louées et voitures personnelles. Ces aides sont importantes et coûtent aussi beaucoup d'argent, mais d’où vient-il? Si c'est pour le bon dieu, on félicite, mais si c'est pour des raisons électorales on dit halte!
Le train de vie d'Ennahdha, depuis le retour de son leader Rached Ghannouchi et l'obtention de l'autorisation, nous rappelle celui du RCD durant les 23 dernières années. En effet, le RCD dépensait plus qu'on le croyait, que ce soit dans les festivités, les manifestations, et même dans les œuvres caritatives. On sait désormais d’où vient cet argent: ce sont des deniers publics. Mais pour Ennahdha, on ne sait pas.
Plusieurs soupçons sont même soulevés à l'encontre de Rached Ghannouchi lui-même. D’où vit-il lorsqu'il était à Londres? Qui finançait ses voyages dans le monde? Certains parlent de plusieurs propriétés de ce leader à Londres et en France, pourtant il a fui le pays sans aucun sou, et on ne le reconnaît pas très riche d'origine.
Plusieurs interrogations sont donc soulevées autour du financement du parti Ennahdha et son leader Rached Ghannouchi, alors que la question du financement des partis n'a même pas été soulevée avec insistance sur la scène politique.
Lors de questions posées à Rached Ghannouchi et ses partisans, sur la question du financement, ils sont restés très évasifs, évoquant des contributions de fidèles. Facile à dire qu'à prouver.
Les sources potentielles d'un financement
En l'absence de transparence totale sur le financement du parti Ennahdha, tous les pronostics et les affirmations sont bons à prendre.
- Selon les câbles de Wikileaks, Rached Ghannouchi avait des contacts avec les Américains. On ne le sait tous, les héritiers de l'oncle Sam ne sont pas des enfants de cœur, et déboursent généreusement pour avoir les cartes en main. Certaines sources affirment que les Américains avaient par moments financé Ghannouchi pour avoir des contacts avec certains islamistes et aussi pour attaquer le régime de Ben Ali.
- Rached Ghannouchi avait aussi des affinités avec le leader libyen Kaddafi. En effet, après la révolution tunisienne, Ghannouchi avait salué le rôle de la Jamahirya dans l'aboutissement de la révolution tunisienne. Il avait surtout déclaré, selon des sources de presse, qu'il appréciait la position du leader libyen pour la libération de certains prisonniers d'Ennahdha. En effet, la Libye avait demandé la libération de certains prisonniers d'Ennahdha, mais Ben Ali avait refusé, ce qui a perturbé les relations entre les deux pays, il y a 6 ans. On sait tous que Kaddafi distribuait les aides de part et d'autre sur les révolutionnaires et certains mouvements. C’est peut-être dans ce cadre que Rached Ghannouchi avait bénéficié de certaines facilités.
- Lors de sa visite à Sfax, Rached Ghannouchi avait rencontré certains hommes d'affaires de la région. Une rencontre qui a suscité plusieurs interrogations. Selon les membres d'Ennahdha, c'était juste une rencontre de courtoisie pour dire aux hommes d'affaires que le parti encourage la libre initiative et le secteur privé. Selon d'autres, c'était une manière de les appeler à soutenir le parti financièrement.
- Certains observateurs voient un rôle caché de la Turquie dans le financement d'Ennahdha. Rached Ghannouchi n'a jamais caché son admiration pour le modèle turc. La Turquie était même la première visite à l'extérieur de Rached Ghannouchi, après son retour en Tunisie.
- On ne peut pas oublier à ce niveau que, réellement, Ennahdha a plusieurs fidèles, soit de nouveaux adhérents, ou d'anciens cadres, et qui peuvent contribuer au financement de leur parti, selon la loi. On ne peut pas affirmer que tous les financements sont extérieurs et illicites.
Ce qui est important à signaler, c’est que la question du financement d'Ennahdha doit être abordée avec courage et sérieux, car la question devient de plus en plus urgente, et inquiète plusieurs partis politiques. Le prestige de l'Etat, comme le veut le Premier ministre, passe par les décisions courageuses, et la prise de position ferme sur certains "dérapages". Il parait qu'Ennahdha profite de cette période transitoire, ou le gouvernement a d'autres "chats à fouetter", et ne s'occupe pas des questions périphériques telles que le financement des partis politiques. Or, cette question dérange aussi certains partis politiques nouvellement constitués et qui sont pris à contre-pied, par un parti structuré, rôdé et qui a des financements, pour le moins dire, "flous".
La lumière doit être apportée à toutes ces interrogations, avant l'entrée dans le jeu des élections, si ce n'est déjà fait.
A.B.H
Source: Lexpert